Futurisme, bruitisme, urbaniste ...

Au début du XXème siècle, le goût pour la technologie, les nouvelles machines et la vitesse déclenche de nouvelles perspectives pour l'expression artistique.

 

Le futurisme en Italie prône l'abandon des instruments au profit d'un "art des bruits" plus à même, selon les théoriciens de ce mouvement, à exprimer et exalter le monde moderne.

La peinture sera le domaine privilégié de ce futurisme:

Giacomo Balla, Gino Severini, Umberto Boccioni, mais surtout Luigi Russolo, peintre et compositeur qui fabrique des "intonarumoris" (des "bruiteurs" ) et compose des oeuvres pour instruments et bruiteurs, et "Vegla di una citta".

Russolo est l'auteur du manifeste "l'Art des Bruits"

 

Ci dessous, "L'homme en mouvement" sculpture de Umberto Boccioni, "Dynamisme d'un chien"de Giacomo Bella, et "les lanciers" de Gino Severini: autant d'oeuvres où l'on cherche à "montrer le mouvement" en le décomposant, ou la ville foisonnante.

En Russie,  le compositeur russe Arseni Avraamov compose et fait jouer en 1922 la "Symphonie des sirènes"

Pour l’occasion, on a formé un immense orchestre à l’échelle d’une ville, celle de Bakou (actuellement, capitale de l’Azerbaïdjan).

Cet orchestre est constitué de moteurs d’hydravions, de sirènes d’usines et de fabriques, de camions, de bateaux et de 25 locomotives à vapeur,  et d’un chœur.

Deux batteries d’artillerie et sept régiments d’infanterie remplacent les percussions, les canons font office de caisses claires.

Le chef d’orchestre se tient sur une plate-forme et dirige à l’aide de grands drapeaux de couleur. Une machine est spécialement construite pour l’occasion, dotée de 50 sifflets (accordés sur la mélodie de « l’Internationale » et manipulée par une foule de musiciens qui suivent des partitions spéciales, les "texto-notes").

 

Avraamov ne voulait pas de spectateurs, mais encourageait la participation active de tout le monde notamment à travers les exclamations et les chants ( l'objectif principal étant l'expression d'une puissance collective organisée, unifiée).

En France, Arthur Honegger compose Pacific 231.

Ce poème symphonique a été écrit en 1923 et créé en 1924. Il a connu un succès considérable.

La fascination pour les machines et la mécanique se trouve aussi dans les arts graphiques (Fernand Léger), au cinéma (Abel Gance).

Pacific 231 s’inscrit dans cette tendance de l’époque, un mouvement artistique que l’on a parfois nommé « machinisme » ou "musique urbaniste" , et dont peut résumer la démarche par « une ambition de transposer artistiquement l’ère des machines, et de glorifier l’industrialisation »

 

PACIFIC 231

La « Pacific 231 » est une locomotive à vapeur dont la disposition des roues est indiquée par 2-3-1 :

- 2 essieux sur un bogie

- 3 essieux moteur

- 1 essieu porteur

C’est un poème symphonique écrit par Arthur Honegger en 1923.

C’est une oeuvre qui s’inscrit dans le

« mouvement machiniste » ou encore "musique urbaniste"

Ci dessous deux oeuvres de Fernand Léger

L'affiche du film d'Abel Gance "La roue" qui utilise"Pacific 231".

Orchestre

L’orchestre utilisé par HONEGGER est important en taille :

- Cordes : quintette à cordes d’orchestre : violons 1, violons 2, altos, violoncelles, contrebasses

- Bois par 3 : avec notamment flûte piccolo, cor anglais, clarinette basse, contrebasson

- Cuivres : 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba

- Percussion : caisse claire, cymbales, grosse caisse, tam-tam (cf. gong)

ANALYSE :

 

La pièce commence dans une nuance pianissimo. On entend les cordes graves (contrebasses, violoncelles) jouer des tremolos (tremblement du son).

Les cordes aigues (violons, altos)ajoutent quelques brèves interventions.

Un tuba joue un chromatisme

Puis l’orchestre joue deux accords en alternance sur des rythmes de plus en plus courts : sensation d’accélération

La machine à l’arrêt va se mettre en route.

 

Puis l’orchestre se stabilise sur la pulsation. Un 1r motif est joué par les cors. Il sera repris ensuite (modifié) par la trompette.

Un 2me joué au basson accompagné de la caisse claire sera ensuite repris en tutti (par tout l’orchestre).

Les thèmes s’enchaînent et se superposent en fugato (dans le style de la "fugue") pour donner le sentiment de vitesse.

La machine est lancée. Les paysages défilent.

 

Un nouveau thème joué aux cors de façon triomphale, et repris ensuite par tout l’orchestre = ivresse de la vitesse

 

Puis le tout s’arrête rapidement

On ré entend les motifs de l’introduction « à l’envers » qui défilent rapidement.

= la machine stoppe.


Plus tard,en 1924 Serguei Prokofiev s'inspirera de Pacific 231 de Honegger pour créer sa Symphonie n° 2 dite "de fer et d'acier".


Alexandre Mossolov écrira en 1926 "Fonderies d'acier", tiré du ballet "L'Acier"

« Fonderie d’Acier »(1927) Alexandre Mossolov (1900-1973)

A. Mossolov est un compositeur russe d’avant garde, célèbre au début du régime soviétique. Comme d’autres artistes de son temps, Mossolov cherche à traduire la nouvelle puissance mécanique des machines modernes. Cette démarche inscrite dans le mouvement "urbaniste" ou "machinisme" veut aussi évoquer l’effort d’industrialisation de la jeune URSS.

 

Le régime soviétique : la révolution russe de 1917 donne le pouvoir à Lénine qui dirige la parti bolchévique. La Russie devient l’URSS, et le régime soviétique (qui est un régime totalitaire parce qu’il est fondé sur le contrôle absolu des individus) durera jusqu’en 1991.

 

Analyse

Première sensation: musique oppressante, répétitive, violente:

- Accumulation de motifs mélodico-rythmiques (courtes cellules de quelques notes très marquées rythmiquement) qui se superposent pour traduire le vacarme et la violence d’une usine en marche.

- Tous les instruments sont utilisés jusqu’à obtenir une masse sonore saturée (impossible d'en ajouter plus).

- Pour évoquer le « combat » entre l’homme et la machine et le caractère glorieux de ce combat, les cuivres (Tuba, Trompettes, Trombones) prédominent, ce qui confère aussi un aspect guerrier (Les cuivres sont à l’origine des instruments de plein air utilisés par les soldats de toutes les armées).

- Les percussions (timbales, grosse caisse, et tôles d’acier dans la 3me partie) martèlent violemment la pulsation, à la façon des mouvements d’une machine.

 

La pièce se divise en 3 grandes parties :

- 1/motifs répétitifs en superposition pour « former la machine rythmée »

(trombone en glissando, chromatismes des cordes, ponctuation des bois et des percussions). Thème triomphal (la gloire de l’ouvrier soviétique) joué par les cuivres clôture la 1re partie

 

-2/rupture : les rythme est brisé, les motifs s’affolent, (accélération du tempo) l’espace sonore se divise en 2 plans : 1:aigus-strident et 2:le grave.

Le brouhaha de la machine reprend et un thème est rapidement joué par les cuivres graves.

 

-3/retour des motifs et de l’ambiance du début de la pièce jusqu’au vacarme.

Fin brutale.

 


Ecole de Vienne

Pierre Henry Schaeffer

Steve Reich



Tout cela annonce le "bruitisme"